Bienvenue à la CAN de l’Humilité

S’il y a une leçon que l’on devrait retenir de cette Coupe d’Afrique des Nations, c’est qu’elle est une CAN de l’humilité. Une compétition où les favoris ont été mis en déroute dès le premier tour. Ghana. Egypte. Tunisie. Par des équipes jugées plus petites et plus faibles. Cap-Vert. Mauritanie, Guinée-Équatoriale, Guinée-Bissau. Moralité : en football (mais c’est valable pour la vraie vie aussi.), ne jamais juger sur la base de l’apparence, du passé ou des à priori. Ne jamais se sentir supérieur à celui qu’on croit dominer à première vue. Et sur ce point, l’équipe de Côte d’Ivoire en est une illustration flagrante. Elle est passée par tous les états : de l’orgueil au doute. Du doute à l’humiliation. De l’humiliation aux calculs. Des calculs à l’espoir. Abandonnant son sort entre les mains de Dieu, se laissant repêcher par un Maroc au meilleur de sa forme.

Les Éléphants sont passés par toutes les étapes. Pleins de vie au premier match contre la Guinée-Bissau, affaiblis ensuite contre le Nigéria (1-0), crucifiés sur la place publique par la Guinée-Équatoriale : 4 buts à 0 au stade qui porte le nom du Président ivoirien, devant des dizaines de milliers de supporters parmi lesquels des personnalités du haut sommet de l’État. Crucifiés puis enterrés au fil des matchs suivants. Et finalement rachetés grâce à une victoire du Maroc faisant des pachydermes les « meilleurs 3e ». Dès cet instant, les hommes d’Emerse Faé savent qu’ils n’ont plus rien à perdre. Celui qui a pris l’intérim de Gasset (remercié au lendemain de la défaite contre la Guinée Équatoriale), arrive avec humilité. Promouvant « l’esprit de groupe », remontant le moral à un groupe au fond de l’eau.

Lundi 29 janvier. Le Sénégal affirme sa suprématie. Un premier but inscrit à la 4e minute. Le coach avait prévenu : « On a beau parler que la Côte d’Ivoire est venue gagner la CAN en 92 chez nous (…) on leur avait confié quelque chose, qu’on a l’intention de pouvoir revenir ici et de le récupérer », lance en rigolant Aliou Cissé, en conférence d’avant-match.
Sur la toile, les Sénégalais se demandent par quel miracle les « Orange Blanc Vert » peuvent-ils vaincre une équipe au top de sa forme, championne en titre et qui a réalisé 3 victoires en matchs de poule.
Un miracle, c’est ce qu’il faut aux éléphants. Mais pas que. Faut rajouter comme ingrédients de l’engagement, de la détermination, de la force, du patriotisme et beaucoup d’humilité. Chaque pas, chaque passe, chaque tir respirent une volonté de revanche et de rédemption. L’équipe en orange sur le terrain est tout autre. Une nouvelle équipe est née. L’espoir est redonné. Elle a le ballon. À 63%.
Les Sénégalais subissent et font la faute. Penalty en toute fin de partie. Transformée par Franck Kessié. Injurié, vilipendé, hué, maudit même il y a une semaine plutôt. C’est lui, qui redonne du souffle à des éléphants dans le coma. C’est lui qui lors des séances de tirs au but inscrit le but de la résurrection et mène tout un peuple en quart de finale.

« Dieu ne partage pas sa gloire avec les hommes », lance un ami en jubilant. Rappelant à ma mémoire un certain 4 septembre 2005. Une victoire attendue contre le Cameroun pour se qualifier au mondial. Le Cameroun de Samuel Eto’o fait dormir tout un peuple. 3 – 2 pour les Lions indomptables. Le cauchemar pour les Ivoiriens. Mais quelques mois plus tard, cette même Côte d’Ivoire accède de façon miraculeuse au mondial grâce à sa victoire sur le Soudan (3 buts à 1) et un match nul du Cameroun face à l’Egypte. Même le penalty gracieusement accordé aux Camerounais à la 94e minute, n’y change rien. Pierre Wome Nlend tire sur le poteau. Le Cameroun n’ira pas en coupe du monde, c’est la Côte d’Ivoire qui est qualifiée. « Dieu ne partage pas sa gloire avec les hommes », me répète-t-il. Et il n’a pas tort.
Mourir un lundi, et ressusciter quatre jours plus tard, le dernier exemple qui me vient en tête est celui de Lazare dans l’évangile de Jean 11. Et une parole forte qui résonne : « Ne t’ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ». Nous l’avons vue. Et le coach Ermese Faé l’a compris. « On vient de tellement loin qu’on ne va pas s’enflammer. On va continuer à travailler (…) on va prendre les matchs les uns après les autres », répond-il à la conférence d’après-match. Une équipe est née. De l’espoir est donné. Un entraîneur a émergé. Tacticien, décomplexé, et focus. Une belle leçon pour ceux qui ne croient pas qu’un talent local peut prendre les rênes des éléphants.

Prochain rendez-vous au quart de finale. Mais peu importe l’issue des futurs matchs, Faé et ses hommes ont gagné le cœur de toute une nation. Vous avez dit CAN de l’hospitalité, je réponds « CAN de l’humilité »